La souveraineté numérique : un enjeu majeur pour la protection des données

Glossaire

Dans un monde toujours plus connecté, la question de la souveraineté numérique est aujourd’hui au cœur des débats. Mais comment définir cette notion ? Quels sont ses enjeux ? Et pourquoi les entreprises devraient-elles s’emparer de ce sujet ?

Qu’est-ce que la souveraineté numérique ?

La souveraineté numérique peut être définie comme la capacité d’un État à agir dans le cyberespace et à faire respecter ses règles par les différents acteurs du domaine des technologies de l’information et de la communication.

Néanmoins, la souveraineté numérique est une notion complexe, qui peut être envisagée sous plusieurs dimensions.

La souveraineté numérique au sens juridique

L’expression de souveraineté numérique induit nécessairement un aspect juridique, car elle renvoie aux prérogatives des États et à leur capacité à réguler les grandes entreprises du numérique, dont les plus connues sont les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).

Alors que leur souveraineté est de plus en plus dépendante de la technologie, les gouvernements cherchent à étendre leur pouvoir réglementaire et à faire respecter leur autorité sur les réseaux. L’objectif est notamment de contrebalancer l’hégémonie de grandes puissances comme les États-Unis et, plus récemment, la Chine.

Les pays de l’Union européenne, en particulier, ont adopté une approche défensive et libérale de la souveraineté numérique. Ils défendent ainsi le droit des États à protéger leurs citoyens et leurs libertés contre les intérêts commerciaux de puissances étrangères, mais aussi contre des entités malveillantes.

La souveraineté numérique au sens économique

La notion de souveraineté numérique revêt aussi une dimension économique, car elle fait écho à un retard technologique qui met les pays d’Europe dans un état de dépendance vis-à-vis des géants du numérique, notamment américains.

En situation de quasi-monopole sur leur marché, une poignée de multinationales ont aujourd’hui la mainmise sur le cyberespace, qu’elles ont le pouvoir de contrôler et de réglementer. 

Ces acteurs définissent les conditions générales d’utilisation des services en ligne, modifient ou suppriment des contenus sans justification, développent des algorithmes d’intelligence artificielle toujours plus performants, conservent de grandes quantités de données qui peuvent être analysées ou vendues…

Dans certains domaines, ces géants technologiques bâtissent même des projets de grande envergure, qui ont vocation à remplacer ou à surpasser les services rendus traditionnellement par les États.

La souveraineté numérique des utilisateurs

Une troisième approche de la souveraineté numérique, davantage axée sur les individus, est également possible. 

Concrètement, les citoyens peuvent faire des choix et exprimer leurs préférences, en utilisant certains logiciels plutôt que d’autres. Ils exercent ce pouvoir à titre individuel ou collectif, par exemple dans le cadre de communautés d’utilisateurs (qui peuvent être nationales ou transnationales).

Cette vision de la souveraineté numérique se traduit également par des droits et des garanties inscrits dans la loi, tels que le droit à la protection des données personnelles, à l’oubli, à la portabilité des données, au déréférencement, visant à l’autodétermination informationnelle des individus.

Quels sont les enjeux de la souveraineté numérique ?

La souveraineté numérique implique au moins trois grands types d’enjeux, d’ordre stratégique, éthique et économique.

Un enjeu stratégique et politique

La dépendance vis-à-vis d’une poignée de géants technologiques n’est pas l’apanage des États. Les entreprises sont, elles aussi, de plus en plus « enfermées » dans des solutions opérées par des acteurs américains, souvent hébergées sur le cloud. Or, ces applications sont soumises à des réglementations qui peuvent nuire aux intérêts stratégiques des organisations qui les utilisent…

En effet, les entreprises américaines du numérique doivent respecter ce que l’on appelle des « règles d’extraterritorialité ». Le CLOUD Act (Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act), une loi fédérale adoptée en 2018, fait l’objet de nombreux débats. Et pour cause, elle autorise le gouvernement américain à accéder aux données hébergées par les entreprises nationales, quand bien même leurs serveurs sont situés en dehors des États-Unis.

Sans oublier la section 702 du Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA), qui autorise les agences de renseignement américaines à collecter des données basées à l’étranger sans aucun mandat (tandis que le CLOUD Act n’est activable que sur autorisation d’un juge fédéral).

Autrement dit, utiliser une solution hébergée sur un serveur européen n’offre aucune garantie de confidentialité, si ce serveur est opéré par un groupe américain. Il s’agit donc d’un enjeu stratégique majeur, car l’ingérence d’une puissance étrangère dans les données des entreprises européennes menace directement leurs intérêts commerciaux.

Sans oublier les implications en termes de sécurité nationale ou de santé publique dans certains secteurs particulièrement sensibles : administrations, hôpitaux, etc.

Un enjeu éthique

La question de la souveraineté numérique ne se limite pas au CLOUD Act et aux règles d’extraterritorialité. Elle soulève aussi des problématiques liées aux individus, et notamment à la préservation de leur droit à la vie privée. En effet, l’usage des données collectées par les entreprises du numérique est sujet à controverse.

Ces informations peuvent notamment être vendues à des annonceurs, en vue de lancer des actions marketing ciblées, voire à des institutions politiques. L’affaire Cambridge Analytica, qui a fait grand bruit en 2018, a mis en évidence l’utilisation frauduleuse des données personnelles des utilisateurs à des fins électorales.

Mais cet enjeu éthique inclut aussi la défense de certaines valeurs et droits fondamentaux : inclusion, dignité, vie privée, liberté d’expression… Pour ce faire, il est urgent de garantir le droit des utilisateurs à maîtriser l’usage et l’avenir de leurs données, mais aussi les traces laissées par leur activité sur internet, à contre-courant de la logique actuelle de marchandisation de la data.

Un enjeu économique et industriel

La dépendance au secteur numérique a aussi des répercussions majeures sur le plan économique et industriel.

L’exploitation massive du Big Data permet aujourd’hui d’anticiper, voire même d’orienter, le comportement des consommateurs, d’autant plus que les données sont agrégées et traitées par des algorithmes toujours plus performants. Cela ouvre des perspectives inédites, par exemple :

  • Adaptation des offres commerciales en temps réel.
  • Ultra-personnalisation des messages marketing et publicitaires.
  • Gestion des stocks plus efficiente.

Dans ce contexte, la compétitivité et la crédibilité technologique des entreprises françaises (et plus largement, européennes) est un enjeu crucial. En effet, les acteurs locaux sont sous-représentés dans le monde numérique, malgré le nombre de consommateurs et le poids économique que représente l’Europe.

Certes, les licornes existent (Vinted, Zalando, Deliveroo, Spotify, Blablacar ou Deezer pour ne citer qu’elles), mais elles sont encore trop rares. Un des grands défis à venir pour les entreprises européennes consiste donc à occuper une part plus importante sur les marchés émergents.

La souveraineté numérique : une priorité pour les entreprises

La souveraineté numérique n’est pas qu’une affaire de politique internationale et d’intérêts économiques : les acteurs privés sont, au même titre que les États, directement concernés par cette question. Les entreprises ont d’ailleurs tout intérêt à prendre des mesures en faveur de la souveraineté.

Un levier pour garantir la protection des données

La sécurité des données est primordiale, notamment pour les organisations qui traitent des informations sensibles. Les principaux concernés sont les secteurs de la santé, de la défense, de la banque, de l’assurance ou encore de l’industrie. 

Cependant, quelle que soit l’activité, le risque d’une fuite ou d’un vol de data ne doit pas être négligé. Révélées au grand jour ou exploitées à mauvais escient, même les données les plus « anodines » peuvent avoir des répercussions immenses.

Or, comme nous l’avons vu précédemment, les géants américains de la tech n’offrent aucune garantie en termes de confidentialité, quelle que soit la localisation de leurs serveurs. D’où l’intérêt d’opter pour une solution locale basée sur un cloud souverain

Ainsi, les données sont non seulement hébergées sur le territoire européen, mais elles sont aussi strictement encadrées par la loi, à commencer par le Règlement général sur la protection des données (RGPD).

Un avantage concurrentiel

Les citoyens sont de plus en plus alertes concernant l’utilisation de leurs données personnelles, comme l’illustre une étude de l’IFOP parue en 2021 :

  • 72 % des Français sont opposés à ce que leurs données personnelles soient conservées hors de l’Union européenne.
  • 66 % d’entre eux affirment qu’ils seraient prêts à renoncer à un service numérique parce qu’il n’indique pas clairement comment leurs données sont utilisées et stockées.
  • 69 % des Français pensent qu’ils sont contraints d’utiliser les services des géants américains car ils manquent d’alternatives, notamment européennes.

Le message est très clair : les consommateurs souhaitent mieux maîtriser leurs données et obtenir des garanties fortes vis-à-vis de leur traitement et de leur utilisation. À tel point qu’ils sont disposés à renoncer à une solution numérique en faveur d’une alternative plus transparente.

En définitive, la recherche de l’indépendance numérique ne doit pas être vécue comme une contrainte : au contraire, c’est même un véritable argument de différenciation pour les entreprises européennes.

Une dépendance moins forte vis-à-vis des solutions étrangères

Œuvrer pour la souveraineté numérique permet de tendre vers l’indépendance technologique, mais aussi de se libérer des pressions exercées par les géants américains, qui ont le pouvoir d’imposer aux entreprises la législation de leur pays, voire leurs propres règles internes.

En retour, les organisations bénéficient de nombreux avantages en faisant appel à des acteurs français ou européens, que ce soit en termes de proximité, de réactivité, de qualité et bien sûr de sécurité.

Bien qu’elle accepte différentes définitions, la souveraineté numérique a pour principale finalité de protéger les intérêts des États et des acteurs économiques face à l’ingérence de puissances étrangères. Au-delà des considérations économiques et géopolitiques, il s’agit donc d’un enjeu majeur pour les entreprises, qui ont tout intérêt à prendre des mesures fortes pour accroître leur souveraineté.

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